Petit déjeuner avec Mick Jagger
Nathalie, 13 ans, prépare un petit déjeuner pour Mick Jagger, car il ne va pas tarder à la rejoindre dans sa cuisine. Pendant que le café s'écoule, Nathalie se rêve, s'imagine, se regarde, s'explique.
Car Mick n'est qu'une fuite fantasmée vers une vie moins maussade, un peu comme un enfant se construit un ami imaginaire. Il est l'image qui la contemple dans sa chambre du haut de son poster en noir et blanc (et elle le lui rend bien), il est cette voix envoûtante qui chante la vie et la démesure à la demande. Mais il est aussi bien plus. Car Mick existe dans la vie réelle, une vie qui n'a pas été tendre avec Nathalie jusqu'ici. Victime d'abandon lorsqu'elle était petite fille, puis d'une agression sexuelle qui l'empêche même à l'âge adulte d'établir des rapports équilibrés avec les hommes. Elle vit seule cette nouvelle adolescence, car sa mère évolue entre dépressions profondes et cures de sommeil, depuis le départ du père pour Berlin (au bras d'une berlinoise, bien sûr).
C'est donc d'une certaine manière Mick qui accompagne Nathalie dans le cheminement qui mène de l'enfance à l'âge adulte. Si la jeune fille troque sans mal le bol de chocolat pour la tasse de café, elle découvre dans le même mouvement qu'elle doit accepter un homme dont les excès sont à la mesure de l'immense talent. Mais après tout, l'adolescence n'est-elle pas aussi ce moment où l'enfant réalise que ses parents ne sont pas parfaits, seulement des êtres humains?
La plume de Nathalie Kuperman sert merveilleusement bien ce récit où fiction et réalité se mêlent à la perfection. Elle ne nous abreuve pas de larmes de crocodile, mais passe avec neutralité, voire une certaine auto-dérision sur les moments les plus sombres pour faire de Nathalie (le personnage) une jeune fille fort attachante, avec sa rage, ses contradictions, ses démons personnels, son côté enfantin et parfois contemplatif.
Un roman court mais percutant, comme une tasse de café dont on savoure la délicieuse amertume.
L'avis de Clarabel.