La solitude des nombres premiers
Alice et Mattia sont deux êtres solitaires. Victime, elle, de l'exigeance de son père, lui, responsable innocent de la perte de sa soeur, ils s'en prennent à leur corps pour exorciser leur mal-être et grandissent dans un monde d'isolement presque absolu, qui leur permet de vivre leur adolescence en l'effleurant à peine.
Lorsqu'il se croisent, ces deux reflets d'une même tristesse vont se reconnaître et se rapprocher, mais sans jamais réussir à rester ensemble, à sortir chacun de sa prison pour aller vers l'autre. Au fil des années, Mattia choisit l'aridité des mathématiques et l'isolement du grand nord, alors qu'Alice voit passer la vie derrière l'objectif de son appareil photo.
Ce roman est empreint d'une grande tristesse, et l'on voit se succéder les images comme à travers une fenêtre par un jour de pluie, gris et froid. Les éclaircies se font attendre et, lorsqu'on croit (ou est-ce plutôt qu'on espère?) que la pluie va se calmer, l'ondée reprend de plus belle. La fin, cependant, reste ouverte, permettant au lecteur d'imaginer une suite selon son ressenti.
Paolo Giordano est un jeune auteur italien, mais son livre a déjà reçu le prix Strega en 2008. Sa plume directe et précise, un peu sévère parfois croque ses personnages sans compassion mais sans pathos. Il livre des faits et des sensations, laissant au lecteur le soin d'imaginer les sentiments qui vont avec (ou pas). Il nous présente Alice et Mattia avec toutes leurs contradictions, leur violence et leur grande fragilité, des adolescents auxquels on s'attache, et des jeunes adultes qu'on voudrait secouer pour qu'ils s'ouvrent finalement à la vie, qu'ils consentent à prendre ce premier souffle, à la fois douloureux et vital. Une histoire qui reste longtemps à nous tourner dans la tête.
Un grand merci à Suzanne de Chez les filles et aux éditions du Seuil pour ce très beau cadeau.
Les avis de Cuné, Yueyin, Aifelle, Cathulu.
Paolo Giordano, La solitude des nombres premiers, Seuil, 2009.