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8 janvier 2010

Le sourire étrusque

sonrisaetrusca0001Salvatore Roncone est vieux est malade. Son fils vient le chercher dans son village calabrais pour l'emmener auprès de lui à Milan. Lors d'une pause à Rome, dans un musée, le vieux découvre avec admiration un sarcophage étrusque représentant deux amants. Quels visages heureux! quel air de paix, de savoir profiter de la vie, quel magnifique sourire étire les lèvres de la femme... L'image fera une profonde impression chez cet ancien partisan, aujourd'hui réduit à laisser ses propriétés du sud pour partager l'appartement de son fils et sa belle-fille, qu'il trouve docte et froide comme la glace. Sa seule consolation: son petit-fils de treize mois, Bruno, qui catalysera toute la tendresse du vieil homme.

Que j'ai aimé ce roman! C'est le récit d'un parcours intérieur que nous offre José Luis Sampedro. Salvatore est un ancien paysan du sud, avec ses coutumes et ses croyances qu'il croit d'une vérité absolue; avec son vécu de partisan qui l'a endurci et qui l'a rendu si respectable dans son village. Bien évidemment, lorsqu'il arrive à Milan, il a le sentiment qu'il n'est personne, qu'il est complètement dépassé, et par le temps et par la ville. Il se retrouve alors en rupture totale avec son nouvel environnement.

Mais voilà, il y a Brunetto, son petit-fils (Bruno, comme son nom de partisan autrefois), que ses parents élèvent en suivant les livres au pied de la lettre, et que Salvatore se fait un devoir de sauver, de lui apprendre la vraie vie, les vraies valeurs, les vrais rapports humains, comme il l'entend. Alors, petit à petit, il va monter sa stratégie, mettre au point sa propre résistance. Et il ne sera pas seul, malgré ce qu'il croyait au début. Peu à peu, il va rencontrer des personnes qui sauront l'apprécier et qu'il appréciera à son tour. Simonetta, Valerio, Hortensia, seront autant de raisons de voir la vie autrement, de se remettre en question. 

La force de ce livre tient également aux personnages qu'il met en scène. Salvatore est à lui seul un roman, c'est un de ces aïeux têtes de famille, tels qu'on en connaît encore dans certaines régions. Chefs de famille, à la fois autoritaires mais en même temps dépositaires du savoir de leurs ancêtres et de leur terre, de leur histoire. A la fois intolérants et même quelquefois despotes avec leurs propres enfants, mais d'autant plus prêts à se laisser attendrir par cette génération de petits-enfants avec leur énergie et leur fragilité. C'est cette relation grand-père-petit-fils, d'ailleurs, qui sera à l'origine du changement chez Salvatore. Hortensia aussi, est un personnage fort. Veuve d'un certain âge, venue elle aussi du sud de l'Italie mais adaptée déjà à la vie milanaise, elle représente pour moi une sorte de pont, de chemin, à la fois vers une certaine acceptation de la vie milanaise, mais aussi un chemin vers l'ouverture d'esprit de Salvatore. Valerio aussi est digne d'être cité, même s'il n'apparaît pas beaucoup, car à travers l'étudiant en ethnologie, le partisan et cacique de son village retrouve la valeur que l'anonymat et la modernité milanais lui avaient enlevés.

Ainsi évolue donc Salvatore, se délestant de ses contradictions et de ses ruptures comme on laisse derrière une mue, pour retrouver un coeur à la fois identique mais différent, plus sage, plus paisible, plus proche de ce sourire étrusque qui l'a autant marqué.

Je ne peux pas finir ce billet sans parler également du style de l'écrivain, tout simplement. Ses évocations de la Calabre qui nous transportent en plein soleil, dans les villages, la rocaille et la poussière du sud, les paysages marins si bien décrits qu'on s'y croirait. Cette façon de raconter l'histoire sans prétention, toujours proche de son lecteur, qui nous rend les personnages si proches et si émouvants.

Un pur moment de plaisir. Lisez-le, vous ne le regretterez pas.

José Luis Sampedro, La sonrisa etrusca, ediciones Destino, 2005,319 p.

Ce livre a été lu dans le cadre du Challenge

LireEnVoMini

Cela dit, sa traduction française a été publiée chez Métailié:

souriretrusque

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Commentaires
M
Mango, c'est tout à fait le style.
M
Je ne connais pas l'auteur mais c'est une histoire qui me plairait tout à fait, je crois, surtout s'il est écrit sans prétention tout en étant proche de son lecteur et de ses personnages!
M
- Marie L., ce fut une très belle découverte pour moi aussi. Et depuis, j'ai appris qu'il en a écrit bien d'autres.<br /> - Ciboulette, ça ne m'étonne pas; c'est un plaisir qu'on a envie de partager.<br /> - Katell, pourquoi ça ne m'étonne pas? ;)
K
Voilà un roman qui m'avait emballée!!! Une vraie belle et émouvante histoire!
C
J'ai adoré ce livre et je l'ai offert à mes grandes amies. Ce vieil homme est très attachant, émouvant et intéressant, car justement il évolue. C'est un livre qui m'a bcp marquée.
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