Bâtisseurs de pierre, bâtisseurs de vie
Deux siècles ont passé à Kingsbridge depuis la fin du magnifique Les piliers de la terre. Le prieuré est encore au centre géopolitique de la ville et les intrigues continuent de se nouer, à une époque mouvementée où le jeune Edouard III ne tardera pas à accéder au trône d'Angleterre et à s'engager dans la Guerre des Cent Ans.
Par une froide journée de 1327, quatre enfants se retrouvent au centre d'une poursuite qui se termine mal pour les soldats de la reine. Le rescapé, sir Thomas Langley, cache sous les yeux éberlués de Merthin une lettre qui, outre avoir failli lui coûter la vie, pourrait compromettre gravement les personnes les plus haut placées du royaume.
De même que dans son premier livre, Ken Follet nous plonge dans le Moyen Age à travers divers personnages, dont on suit le cheminement au cours de longues années; des histoires qui ne cessent de se rapprocher et de s'éloigner pour nous brosser un tableau non seulement crédible mais surtout très émouvant de cette période passionnante où peu d'hommes (et encore moins de femmes) réussissent à être maîtres de leur destin. Par exemple la belle Caris, soumise par la foule pour satisfaire l'ambition de son cousin, ou encore Gwenda, fille de voleur mais ne rêvant que de vivre une vie de paix sur une terre propre avec l'homme qu'elle aime, et pourtant subissant la soif de vengeance de son seigneur. Tous ces héros sont riches de contradictions, de rêves, de bon et de moins bon. On n'approuve pas toujours leurs choix, mais on vibre avec eux, on se laisse envahir par leur détresse et par leur joie.
Bien évidemment, la ville de Kingsbridge est le protagoniste incontesté du roman, intimement liée à Merthin le bâtisseur, à Caris, au prieur Goodwin, à frère Thomas (notre chevalier du début), en constante mutation, victime ou victorieuse, décimée ou prospère, victime de la grande peste noire, éternel scénario de conspirations, de désastres, de joies immenses, de l'héroïsme quotidien de son peuple.
Encore une très belle histoire (même si j'avoue avoir préféré Les piliers de la terre), que l'on lit d'une traite, même si on parle d'un énorme pavé et qu'on peine à lacher une fois terminée. Un coup de coeur pour une amoureuse de littérature sur le Moyen Age.